Sauvegarde et restauration
La France a des obligations légales et morales vis-à-vis de sa population d’ours
Bases juridiques de la protection de l’ours :
Article 411-1 du code de l’environnement :
« sont interdits : …la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces [protégées] ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat. »
Article 2-2 directive habitat 92/43/CEE dite « habitats-faune-flore » :
les mesures prises en vertu de la présente directive visent à
assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.
La France a l’obligation légale de restaurer une population viable d’ours dans les Pyrénées en application de la directive européenne «Habitats-Faune-Flore» adoptée le 21 mai 1992.
En 2012, alertée sur le mauvais état de conservation de l’ours brun par le biais de huit plaintes ainsi qu’une pétition au Parlement européen, la Commission européenne a constaté le manquement de l’Etat français vis-à-vis de son obligation de protection et de restauration de l’ours brun des Pyrénées dans un bon état de conservation, en violation des dispositions de la directive « Habitats ». En novembre 2012, la France a été mise en demeure par la Commission européenne de protéger l’ours sur son territoire.Cette procédure pré-contentieuse a été classée en janvier 2019 suite aux lâchers de deux ourses dans les Pyrénées occidentales et aux engagements pris par la France dans son « plan Ours » 2018-2028 comprenant notamment le remplacement de tout ours tué par l’homme.
Aujourd’hui, la question n’est plus d’être pour ou contre la présence de l’ours.
«…la France ne satisfait pas à son obligation de rétablissement de l’ours brun dans un état de conservation favorable, telle qu’elle résulte de l’article 2 de la directive du 21 mai 1992. »
Tribunal administratif de Toulouse – 6 mars 2018.
Une jurisprudence unanime !
Suite aux premiers lâchers d’ours en 1996-97, les opposants ont saisi le Conseil d’État, en invoquant l’article 22 de la directive et l’absence de consultation du public.
Voilà l’extrait du jugement rendu par le Conseil d’État le 20 avril 2005 : « … les lâchers d’ours ont été précédés par des études scientifiques antérieures à la décision du 24 janvier 1995 et par la consultation, de 1994 à 1996, d’une part, de l’ensemble des élus et non des seuls élus des communes signataires de la charte mentionnée ci-dessus, d’autre part, d’une large partie des populations elles-mêmes, par la voie de nombreuses réunions d’information et de concertation ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision dont le maintien est contesté aurait méconnu les objectifs de
la directive Habitats doit être écarté … »
S’agissant de l’obligation de restaurer la population d’ours dans les Pyrénées, le Tribunal administratif de Toulouse s’est prononcé le 6 mars 2018.
« … les actions mises en oeuvre par l’État ne peuvent pas être regardées comme suffisantes au regard des enjeux identifiés pour le maintien durable de l’espèce ursine dans le massif pyrénéen ; les associations requérantes sont, par suite, fondées à soutenir que la France ne satisfait pas à son obligation de rétablissement de l’ours brun dans un état de conservation favorable, telle qu’elle résulte de l’article 2 de la directive du 21 mai 1992 ; la carence des autorités nationales face à cette obligation constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’État ».
Le débat sur la protection de l’espèce étant tranché par la justice, concentrons-nous sur les moyens à mettre en place pour vivre avec l’ours.
La population d’ours des Pyrénées est la deuxième plus petite population d’Europe
EN DANGER CRITIQUE D’EXTINCTION
dans la Liste rouge nationale des espèces menacées selon les experts de l’UICN *
* Union internationale pour la conservation de la nature
« A condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les états membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15.a, et pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;(…)»
L’ours brun bénéficie d’une protection stricte en tant qu’espèce prioritaire (annexe IV). L’article 16 paragraphe 1 de la Directive Habitats permet aux Etats membres de déroger aux interdictions dans le respect des conditions suivantes :
Protection de l’ours : des dérogations limitées et
strictement encadrées.
Toute dérogation au statut de protection de l’ours doit remplir ces 3 conditions :
- Qu’il n’y ait pas d’autre solution satisfaisante.
- Que cela ne nuise pas au rétablissement d’une population viable.
- Que la mesure dérogatoire soit efficace.
La Cour de Justice de l’Union Européenne considère que cette dérogation posée à l’article 16 est « d’interprétation stricte », faisant « peser la charge de la preuve de l’existence des conditions requises, pour chaque dérogation, sur l’autorité qui en prend la décision » et oblige les Etats membres à « garantir que toute intervention touchant aux espèces protégées ne soit autorisée que sur la base de décisions comportant une motivation précise et adéquate, se référant aux motifs, conditions et exigences prévus à l’article 16, paragraphe 1 de la directive habitats. » (CJUE, 26 janvier 2012, aff. n°C192/11).
En conséquence, les différents arrêtés ministériels et préfectoraux pris pour l’effarouchement des ours depuis 2019 ont été partiellement ou totalement annulés par le Conseil d’Etat et les tribunaux administratifs. Ils sont illégaux.
La solution satisfaisante est de généraliser et d’optimiser les moyens de protection des troupeaux.